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Dix ans de CSSS : pourquoi on a fait ça?

20 mars 2014

  • Guillaume Hébert

La semaine dernière, la Coalition solidarité santé organisait une soirée de réflexion sur les dix ans de la dernière grande réforme du système santé. Cette réforme de 2003, présidée par Philippe Couillard alors ministre de la Santé et des Services sociaux, avait notamment transformé les régies régionales en Agences de la santé et des services sociaux (ASSS) et créé les actuels « CSSS », les Centres de santé et de services sociaux qui servent de pallier local à ce gigantesque réseau où travaillent 275 000 personnes.

Et cette réforme, elle a servi à quoi?

Citons les sages paroles de Jacques Fournier, retraité d’un CLSC :

Pour employer des mots charitables, le bilan de la réforme Couillard, entraînant les fusions forcées des établissements en 2003, présente des résultats plutôt douteux, pour ne pas parler d’échec. L’accessibilité aux services pour les usagers, la proximité, le développement de la première ligne, la réduction de l’attente, l’enracinement local, la démocratisation, le développement des services psychosociaux, la réduction des coûts : ces résultats ne sont pas au rendez-vous. Par contre, l’augmentation du nombre des cadres, l’amélioration de leurs revenus (et ceux des médecins), l’alourdissement et la complexification du système, la démobilisation du personnel et la privatisation répondent : présents.

Il est plutôt ironique de constater que la plupart des objectifs énumérés ici par M. Fournier figuraient dans les objectifs nommés par le rapport Rochon en 1985, voire même dans le rapport Castonguay-Nepveu du début des années 70. La semaine dernière, le vétéran de l’administration de la santé André-Pierre Contandriopoulos évoquait lui-aussi la redondance, et l’incapacité d’atteindre, des objectifs maintes fois identifiés au cours des dernières années.

Il est faux d’affirmer que rien ne change et que rien ne s’améliore au fil du temps dans le réseau de la santé du Québec. Mais disons que les résultats ne sont pas aussi spectaculaires que ce que les gouvernements annoncent tambour battant de réforme en réforme. Les anciens cadres du réseau qui se sont prêtés au jeu de cet échange lors de la soirée de réflexion, David Levine et Johanne Archambault, ont admis tous les deux certains ratés, mais ni l’un ni l’autre n’a vraiment répondu à la question à savoir est-ce que la réforme Couillard de 2003 valait vraiment le coup?

Dans la note que l’IRIS a publiée le mois dernier, nous soutenons que le réseau a effectivement connu nombre de va-et-vient qui rend difficile l’observation de tendances sans équivoque. Sauf pour un changement en cours depuis le tournant des années 2000, soit l’introduction d’une gouvernance inspirée du privé dans le système de la santé (comme dans celui de l’éducation d’ailleurs, ou dans les milieux communautaires) comme s’il s’agissait d’une évolution naturelle. Pourtant ces mécanismes de privatisation directe ou indirecte sont contre-productifs et complètement inadaptés à des services sociaux.

On aurait bien voulu qu’une rationalité soudaine se révèle lors de la soirée de mercredi dernier. Une logique éclairée articulée par une puissance publique soucieuse de mieux prendre soin de sa population. Mais en alternance au micro, l’ambivalence de certains et la colère des autres aura maintenu plutôt que dissipé la brume qui enveloppe la formule des CSSS, dix ans après leur création. Hormis ce coup de pouce bien concret (et pas souhaitable du tout) à la progression du privé, on a plus l’impression d’assister à une simple dérive qu’à un plan de match digne de ce nom.

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