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L’opulence en temps de crise

9 janvier 2013

  • Guillaume Hébert

La crise en Europe n’est pas qu’une calamité pour les investisseurs et les « super riches ». Le cas du Portugal est à cet effet révélateur. À l’heure où la population de ce pays est affectée gravement par d’intenses mesures d’austérité, quelques vieux routiers du capitalisme financier de ce pays récoltent les fruits de l’effort collectif.

Ainsi, les sept plus grandes fortunes du pays ont augmenté de 13% durant l’année 2012.

La première fortune du pays, celle d’Alexandre Soares dos Santos, a grossi de 714 millions d’euros pour se chiffrer à 5,1G €. Le quatrième Portugais le plus riche, Belmiro de Azevedo a ajouté pour sa part quelques 293M €  à sa fortune qui n’en comptait que 724M € l’an dernier, une progression notable de 40%.

L’évolution de ces richesses a été calculée par la revue Dinheiro Vivo en mesurant la progression de la valeur actionnariale détenue par ces individus. Dans le cas de Azevedo par exemple, l’accroissement de ses avoirs est associée à l’évolution favorable de la valeur de ses entreprises Sonae et Sonaecom.

 

Plus structurellement, la hausse du rendement des investissements dans la dette souveraine du Portugal s’est avérée une source importante d’enrichissement.

Ceux qui ont investi dans cette dette ont obtenu un rendement pour le moins intéressant de 57% (!) en 2012. Pour les investisseurs, il s’agit de la dette la plus rentable des États européens, à plus de deux fois la rentabilité de celle de l’Irlande, qui se trouve en seconde place avec un rendement « famélique » de 29%.

Ce sont les banques portugaises qui ont été les plus grands bénéficiaires de cette rentabilité puisqu’elles ont acheté beaucoup de ces titres sur le marché.

*****

De l’autre côté du capitalisme, les populations d’Europe écopent et subissent les conséquences de l’austérité ; 120 millions d’entre eux sont désormais menacés par la pauvreté. Près de 50% de la population de Bulgarie, 30% des Grecs et autour de 20% des Allemands ou des Français.

Alors, retenons ceci. Les experts du FMI tels qu’Olivier Blanchard et Daniel Leigh se trompent lorsqu’ils affirment que l’austérité n’atteint pas ses objectifs.

Ils ont sans doute raison lorsqu’ils indiquent que le recul des économies n’a pas été de 50¢ pour chaque dollar de compression mais bien deux à trois fois plus. Mais la relance n’était pas l’objectif prioritaire à l’éclatement de la crise. L’objectif était bien davantage « de ne pas gaspiller une bonne crise » et d’en tirer profit.

L’austérité a détruit les politiques sociales et a renforcé le pouvoir des investisseurs sur les États. Pour ces derniers, il s’agit d’un gain appréciable.

Il est frappant de voir comment la succession des crises et des plans d’austérité en Europe (et ailleurs) ne mène jamais à une réelle remise en question de la logique de l’économie de marché et de ses préceptes tel qu’ils se déploient et s’imposent depuis quelques décennies.

La « sortie » de crise actuelle montre à quel point l’idéologie de la suprématie du marché, ainsi que les intérêts qui y sont liés, domine les points névralgiques des prises de décision dans l’Occident contemporain. À ce titre, l’onde de choc provoquée par le mouvement « Occupy » était prometteuse (et rejaillira peut-être) mais pour le moment n’a pas atteint le cœur du système.

Dans sa chronique du New York Times, Paul Krugman est catégorique et voit dans les conclusions de Blanchard et Leigh la confirmation de ce qu’il avait lui-même anticipé : l’échec colossal d’une politique économique (l’application de l’austérité comme sortie de crise).

Krugman a effectivement été clairvoyant, mais ce qu’il ne parvient pas à comprendre, c’est pourquoi les responsables de l’échec colossal sont toujours en poste et qu’ils dirigent les principales économies du monde.

La réponse à ce questionnement est sans doute bien plus politique. Les décideurs visés par Krugman ont beau avoir échoué à relancer l’économie, ils ont contribué au maintien et même à l’élargissement de l’hégémonie d’une élite économique. Ils ont donc réussi bien plus qu’ils ont échoué. C’est ce bout-là qui fait défaut dans l’analyse de Krugman, qui ne prêterait sûrement pas de si mauvaises intentions à l’élite économique mondiale…

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