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Pauvreté : ce que le Brésil peut nous apprendre

21 janvier 2014


Depuis dix ans, le Brésil mène une expérience de politique publique intéressante sur la lutte à la pauvreté. Le Québec gagnerait à s’inspirer de certains aspects du programme appelé Bolsa família(littéralement : bourses familles)qui est loin d’être parfait et qui n’a rien de révolutionnaire, mais dont les résultats sont très parlants.

Peu après son arrivée au pouvoir, le gouvernement Lula a implanté le programme Bolsa família que la présidente actuelle Dilma Roussef vient de bonifier. Il s’agit simplement de verser de l’argent aux personnes les plus pauvres. Il vise spécifiquement les familles avec enfant(s) de moins de 17 ans gagnant moins de 65$ par mois. En moyenne, on leur verse environ 70$ mensuellement (montant qui varie en fonction de la situation économique et du nombre d’enfants). Les personnes gagnant moins de 35$ par mois n’ont pas besoin d’avoir d’enfant pour recevoir le montant.

Vous me direz : voilà qui n’est pas très nouveau, donner de l’argent aux plus pauvres, nous faisons ça depuis des années avec l’aide sociale. Vous n’aurez pas tort et ce n’est pas là l’intérêt de la mesure, celui-ci se trouve plutôt dans l’absence de condition qui vient avec ce montant. Le gouvernement brésilien a jugé que les pauvres n’avaient pas besoin d’être surveillés pour savoir s’ils utilisaient bien leur argent. Les seules conditions pour obtenir une Bolsa família est d’envoyer ses enfants à l’école, de les faire voir un spécialiste de la santé et qu’ils et elles soient vaccinés. Une attitude que le correspondant du Globe and Mail attribue à la personnalité du président Lula et à son expérience d’avoir été pauvre lui aussi. Qu’importe d’où provient ce choix politique, les résultats sont surprenants.

En effet, l’évaluation de la mesure commandée par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) – dont on peut lire un résumé ici et une présentation plus détaillée ici, les deux en portugais – nous montre des effets positifs très concrets sur les familles pauvres et en particulier sur les femmes et les enfants. En comparant des groupes qui ont obtenu ces bourses et des groupes test qui ne les ont pas obtenues, on a constaté :

Des effets bénéfiques pour les enfants et les femmes :

  • Enfants plus en santé à la naissance;
  • Plus d’enfants qui naissent à terme;
  • Enfants mieux alimentés;
  • Plus d’achat de médicaments pour les enfants;
  • Augmentation importante de la fréquentation scolaire des adolescent.e.s;
  • Moins de travail des enfants;
  • Plus d’autonomie économique des femmes;
  • Femmes enceintes plus en santé.

Mais aussi sur l’ensemble de la famille :

  • Meilleures conditions d’habitation;
  • Plus d’achat de biens de consommation durables;
  • Pas de conséquence sur le travail, les gens ne travaillent donc pas moins;
  • En fait, les gens qui reçoivent ces bourses ont légèrement plus tendance à chercher du travail que ceux qui n’en bénéficient pas.

Alors que nous tendons à imposer des conditions de plus en plus exigeantes pour les personnes au chômage ou sur l’aide sociale, pourquoi ne nous inspirions-nous pas de cette expérience brésilienne? Lorsque qu’on donne de l’argent aux plus pauvres non seulement ils le dépensent pour améliorer leurs conditions, mais en plus, ça les encourage à se trouver un emploi.

On peut trouver une réflexion similaire dans les recherches de mes collègues Eve-Lyne Couturier et Renaud Gignac sur l’aide sociale qui montrent que le groupe pour qui les prestations d’aide sociale sont les plus généreuses (les familles monoparentales) est celui qui a connu la plus grande diminution de prestataires d’aide sociale en 10 ans. Ce n’est donc pas en diminuant les prestations et en imposant des conditions qu’on encourage les gens à sortir de la pauvreté, mais peut-être bien en faisant l’inverse.

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