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Institut Fraser : étude scientifique ou commande politique?

27 février 2015


Belle coïncidence! En plein cœur de la négociation des conditions de travail des quelques 540 000 employé.e.s des services publics québécois, l’Institut Fraser, un organisme de Colombie-Britannique, publie une étude spécifiquement sur le Québec. Qui donc aurait pu financer une telle étude?

À première vue, cela importe peu. Il est légitime que les acteurs sociaux financent des travaux de recherche afin de mettre au jeu des arguments raisonnés pour défendre leurs positions. Or faudrait-il que ces dites études soient crédibles. Dans le cas de l’étude du Fraser sur l’écart salarial du secteur public au Québec, elle se révèle complétement inutile dans le débat actuel. La raison en est simple : elle met dans le même panier les employé.e.s du gouvernement provincial, du fédéral, des municipalités et des universités. Ces différents paliers offrent tous de meilleures conditions de travail que le gouvernement provincial, mais ce ne sont pas eux qui négocient en ce moment…

Les auteurs de l’étude s’excusent de cette faiblesse méthodologique en argumentant que les données de l’Enquête sur la population active ne permettent pas de faire la distinction. Pourtant, les données de cette enquête offrent des informations détaillées sur le secteur d’activité des personnes enquêtées, par les biais des codes de classification SCIAN. Deux études récentes, dont une effectuée par moi-même, ont utilisé ses distinctions et une méthode plus précise[1] des écarts de rémunération. Elles arrivent à la même conclusion : elles montrent un retard de 6,9 à 7,3% de la rémunération des travailleurs et travailleuses des services publics québécois par rapport aux autres.

Si le Fraser voulait participer au débat qui entoure les négociations dans les services publics au Québec, il aurait au moins dû s’assurer que son point de vue serait pertinent… à moins que leur contribution soit avant tout idéologique?

La question de qui est derrière cette étude vient soulever un autre enjeu. Considérant que l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), l’organisme officiel d’analyse socio-économique, a développé depuis 1985 une expertise sur le sujet des écarts salariaux privé-public, le fait que

le gouvernement libéral semble avoir commandé une contre-étude à un institut canadien privé ressemble à un désaveu… Surtout si l’on considère que la dernière version de l’étude de l’ISQ montre un retard de 7,6% de la rémunération globale des salarié.e.s publics, en droite ligne avec mes résultats et ceux de l’IREC. Encore une coïncidence? L’étude de l’ISQ est la seule à mesurer de façon rigoureuse les avantages sociaux, ce que l’Institut Fraser reconnaît lui-même ne pas être à même de faire. Résultat : année après année l’étude de l’ISQ montre que les employé.e.s des services publics québécois accusent un retard de rémunération globale (salaire plus avantages sociaux) par rapport à leurs collègues des autres secteurs.

Antoine Genest-Grégoire est étudiant-chercheur à l’École nationale d’administration publique (ENAP)

[1] La décomposition d’Oaxaca et Blinder.

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